Le marché Bonsecours

Sous le régime français, tout comme après la 
Conquête,le site où sera
érigé le Marché Bonsecours était au centre de
la viesociale et culturelle
de la colonie. De nombreuses personnalités
y ont résidé à commencer par
Charles Le Moyne de Longueuil. Dans son hôtel
particulier, Madame Bégon,
épistolière célèbre, tenait salon ; son avis était
fort recherché et tous les
notables franchissaient sa porte un jour ou l'autre.

François Bigot, dernier intendant de Nouvelle
France y habita à 
compter de 1749, jusqu'à son retour en France
en 1760.

John Johnson, ardent loyaliste, surintendant 
général et inspecteur
général des Indiens des Six-Nations et de ceux
de la province de Québec,
entre autres occupations, acheta la résidence 
en 1796 et la revendit à
John Molson en 1815. 

Ce pionnier de la navigation à vapeur sur le
Saint-Laurent, qui convoitait
un accès au fleuve, y construisit même un quai. 

Molson agrandit et aménagea l'Hôtel Mansion
House . L'endroit devint vite
le lieu de réunion du Beaver Club et reçut un
dépôt de 7000 volumes par un
" groupe de messieurs à l'esprit civique ".
À la suite d'un incendie, Molson
construisit le New Mansion House, ensuite
appelé le British American Hotel,
qui fut incendié en 1833.

Le site accueillit aussi le Théâtre Royal où se
produisit Charles Dickens et
sa troupe de comédiens amateurs. Ce théâtre 
a survécu une vingtaine
d'années avant d'être démoli. Ses vestiges
sont enterrés sous les
fondations du Marché Bonsecours.

John Molson fils revendit à la Ville le principal terrain qui servit à 
l'implantation du nouveau Marché Bonsecours, dont la construction 
débuta en 1844 . Le Marché public fut inauguré en janvier 1847.
Les travaux d'aménagement intérieur, sous la direction de
l'architecte George Browne, se poursuivirent jusqu'en 1852. 
C'est à la suite d'un appel d'offres que le Conseil municipal 
choisit les plans proposés par William Footner. Dans sa
présentation, ce dernier insistait sur la localisation du nouveau
bâtiment et sur la symbolique de ses formes. Pour que les 
dessins permettent d'ériger une "bâtisse convenable à la 
situation
", écrivait-il, il fallait qu'ils "portent l'empreinte
du pays
 ".

Il lui importait, en effet, qu'un monument soit "fondé pour
prouver le bon goût et la libéralité des citoyens de Montréal
".
Par la majesté de l'édifice, il fallait ... "produire sur l'esprit
du voyageur une grande idée de la beauté, et de l'importance 
de la ville florissante de Montréal
". Ainsi, écrivait-il dans sa
présentation , " les bords du Saint-Laurent seront ornés d'un 
édifice digne de ce fleuve qui nous apporte sans cesse des 
richesses
 ".

L'architecture en Canada, disait-il, ne doit aspirer qu'à ce
qui est d'une grandeur imposante, à cette simplicité qui plaît,
à cette concordance dans les proportions, et enfin à cette
harmonie dans les parties, qui est si nécessaire dans les 
ouvrages d'art, comme dans les ouvrages de littérature.
 "

La contribution de Footner est d'ailleurs soulignée dans
un article du magazine " Award " qui reconnaît le Marché
Bonsecours comme l'une des dix grandes réalisations de
l'architecture canadienne. 

L'industrialisation croissante de Montréal provoqua une nette
augmentation de la population et les édiles municipaux voulurent
doter la ville de grandes salles capables d'accueillir et de divertir
les foules . Par ailleurs, diverses représentations à l'effet d'implanter
à Montréal le Parlement canadien poussèrent l'administration à
 
demander aux architectes de prévoir aux étages supérieurs
l'aménagement d'espaces de rassemblement à des fins de
 
lecture, de théâtre, de musique et de bureaux.

Ces prédictions se réalisèrent, quoique brièvement. Tout
d'abord, le gouvernement colonial avait déjà loué le Marché
Sainte-Anne, nouvellement rénové, pour loger temporairement
le Parlement du Canada-Uni.

Par la suite, lorsque les émeutiers torries incendièrent le
Parlement du Marché Sainte-Anne le 25 avril 1849, le Marché
Bonsecours était donc tout désigné pour loger à son tour
le Parlement. Protégés par la troupe, baïonnette au canon,

les députés siégèrent au Marché Bonsecours, du 26 avril
 
au 7 mai 1849. Les travaux de la session parlementaire se
poursuivirent jusqu'au 30 mai, dans un édifice de la place
 
Dalhousie appartenant à Moses Judas Hayes .

Le Marché Bonsecours abrita aussi l'Hôtel de ville de
Montréal pendant plus de vingt-cinq ans . En 1852,
le Conseil municipal siégea pour la première fois dans
un bâtiment appartenant à la municipalité. Il ne le 
quitta qu'en 1878 pour prendre possession d'un nouvel
l'Hôtel de ville sur le site de l'Hôtel de ville actuel ,
rue Notre-Dame.

Il est intéressant de noter que l'Hôtel de ville
servit aussi de salle d'exposition et de festivités
à l'occasion. Pour répondre à la demande croissante,
le Conseil mandata l'architecte George Browne
d'aménager une salle de concert dans l'aile est
du bâtiment, " The City Concert Hall ", ainsi qu'une
salle de banquet attenante. La salle de concert,
d'une superficie dépassant 900 mètres carrés, 
était de style victorien et demeura sans rivale
pendant une dizaine d'années. Le maire Wilson
l'a décrite comme pouvant accueillir 3 000 personnes.

Principal marché public de Montréal pendant plus
d'une centaine d'années, le Marché Bonsecours
fut un véritable miroir de l'évolution sociale et
économique du pays, comme en témoigne l'utilisation
de ses salles.

L'Institut Canadien en fut le premier locataire en
organisant, avant même la fin des travaux, une
grande célébration de la Saint-Jean-Baptiste le 
24 juin 1846. Il devint rapidement la vitrine de
prédilection de la production industrielle canadienne.
On y tint, en 1850, la première exposition provinciale,
qui fut en même temps la première exposition
publique de produits manufacturiers et agricoles 
au Canada. Cette exposition servit à choisir les
participants à l'exposition universelle de Londres.

Le lendemain de l'inauguration de l'Hôtel de ville ,
le 13 janvier 1852, les compagnies de pompiers 
de la ville inaugurèrent la nouvelle salle en donnant 
une fête au bénéfice de l'Association bienveillante
des Pompiers pour les Veuves et les Orphelins. 
C'est aussi au Marché Bonsecours qu'on présenta 
le fameux Festival des chemins de fer, en 1856.

On y fêta le jubilé de Mgr Bourget . On y tint un
banquet en l'honneur des troupes ayant participé 
à la guerre de Crimée. Souvent réaménagé,
on y installa un gymnase pour la police et on 
réserva pendant de longues périodes ses grands
espaces à la milice et à l'armée , à des fins 
d'entraînement et d'armurerie.

Expositions, conférences et panoramas (son et lumière)
se succédèrent dans les salles. Le marché agricole se
développa au cours des années en fonction des progrès
technologiques, de l'évolution des goûts de la population
et des bouleversements démographiques. À sa fermeture,
en 1963, il était encore considéré comme le marché central,
le point de contact entre Montréal et ses campagnes.

La construction des silos à grain en bordure du fleuve lui fit
perdre pour un temps un certain prestige, mais leur
démolition dans les années 1980 permit à la population
de retrouver un point de référence précieux. 

Maintenant complètement restauré et rénové pour tenir
compte des besoins de l'avenir, le Marché Bonsecours 
entame une nouvelle page de son histoire


 
 
 
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