Musée Marguerite-Bourgeoys et Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours
Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours actuelle

Marguerite Bourgeoys a joué un rôle clé dans l’histoire de l’éducation au Québec. En effet, elle a fondé la Congrégation de Notre-Dame, communauté de femmes non-cloîtrées dédiée à l’enseignement qui est encore active aujourd’hui à travers le monde. De plus, sœur Bourgeoys a laissé une autre trace remarquable dans le patrimoine matériel québécois : la chapelle de pèlerinage Notre-Dame-de-Bon-Secours dont la construction remonte au milieu du XVIIe siècle. Ce sanctuaire dédié à la Vierge-Marie est le plus ancien site montréalais qui a conservé sa fonction d’origine, soit celle d’accueillir des pèlerins. Ce patrimoine est mis en valeur au complexe muséal Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours/Musée Marguerite-Bourgeoys, créé en 1998.

Un musée promouvant le patrimoine religieux de Montréal

Situé au cœur du Vieux-Montréal, le Musée Marguerite-Bourgeoys couvre plus de 2 000 ans d’histoire régionale à travers ses sept salles d’exposition et la chapelle. On y traite principalement des cultures autochtones préhistoriques, de Marguerite Bourgeoys, de la Congrégation de Notre-Dame, de l’histoire spécifique de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours et de Montréal. Un site archéologique et une tour d’observation complètent les lieux accessibles au public. Ce complexe muséal, fondé par les Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame en 1998, est dirigé par une corporation mixte regroupant des membres du Conseil général de la Congrégation de Notre-Dame et du Conseil provincial des Prêtres de Saint-Sulpice. Il constitue un élément central du patrimoine montréalais, surtout à cause de l’ancienneté des lieux et de la richesse des objets et artéfacts qui y sont exposés. Il compte également parmi les lieux d’interprétation historique les plus visités.

Une longue histoire précède la fondation récente de ce musée.

Marguerite Bourgeoys, une femme d’audace

Marguerite Bourgeoys est née à Troyes, en Champagne, au mois d’avril 1620. Le monde d’artisans dans lequel elle a vécu toute son enfance – son père était fabricant de chandelles – a probablement façonné très tôt chez elle l’esprit pragmatique et entreprenant qui caractérisera toute son existence.

C’est en participant à la procession du Rosaire le 7 octobre 1640 qu’elle manifesta le désir irrépressible de se donner à Dieu. Elle fut agrégée à la Congrégation de Notre-Dame à Troyes comme institutrice laïque où elle enseigna aux enfants pauvres de sa ville pendant près de douze ans.

Portrait de Marguerite Bourgeoys

Portrait de Marguerite Bourgeoys

En 1652, suite à l’invitation de M. Paul Chomedey de Maisonneuve, Marguerite Bourgeoys quitta la France pour s’établir à Ville-Marie (Montréal) qui était alors animé d’un indiscutable élan missionnaire. Elle débarqua dans la jeune colonie au mois de novembre 1653.

Marguerite Bourgeois ouvrit la première école de Ville-Marie en 1658 et, l’année suivante, elle fonda la Congrégation de Notre-Dame, l’une des premières communautés de sœurs non-cloîtrées de toute l’Église catholique dont l’œuvre est, encore aujourd’hui, consacrée à l’éducation.

Exemple de ténacité, de détermination, d’hardiesse et de générosité, Marguerite Bourgeoys a toujours su s’attirer le respect des autorités coloniales. En femme de cœur, elle s’est de plus vouée entièrement aux gens dans le besoin. 
Elle est décédée le 12 janvier 1700 à l’âge de 79 ans. À ce moment, la population de Montréal la considérait déjà comme une sainte. Mais ce n’est que bien plus tard qu’elle a été canonisée par le pape Jean-Paul II, soit en 1982. Ses restes sont conservés précieusement à la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours.

Les Montréalais doivent à cette femme énergique la première école de la ville, la fondation d’une communauté qui œuvre toujours dans le domaine de l’éducation, et la première chapelle de pèlerinage de Montréal.

La Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours

C’est en 1655 que Marguerite Bourgeoys et M. de Maisonneuve choisissent l’emplacement où sera érigée une petite chapelle en l’honneur de la Vierge Marie. L’endroit se trouvait à l’extérieur de la bourgade, dans une zone boisée en bordure du fleuve Saint-Laurent. Le site se trouvait sur un promontoire naturel s’étirant d’est en ouest et séparé des berges du fleuve par un talus abrupt du côté sud(NOTE 1). Marguerite explique en ces termes les débuts de la construction de la chapelle :

Reconstitution virtuelle de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours vers 1680

Reconstitution virtuelle de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours vers 1680

« J’excite le peu de personnes à ramasser des pierres et Monsieur de Maisonneuve fit couper du bois pour la charpente; et il aidait à le traîner hors du bois. Et ceux à qui je faisais quelque travail, je leur demandais quelques journées pour cette chapelle. On charria du sable et les maçons s’offrent d’y travailler. Le Père Pijart la nomme Notre-Dame-de-Bon-Secours(NOTE 2)».

Ce passage témoigne déjà de la solidarité que manifestaient les premiers habitants de Montréal pour le développement de la colonie, mais surtout de l’importance que prenait à leurs yeux l’érection d’un sanctuaire dédié à une alliée céleste, la Vierge Marie.

Un concours de circonstances interrompit la construction de la chapelle pour une quinzaine d’années(NOTE 3). Ce n’est que le 24 août 1673, que Jean Dudouyt, grand vicaire de Mgr de Laval, accorda finalement à Marguerite la permission de faire reprendre les travaux. Dans la soirée du 29 juin 1675, les Montréalistes se dirigèrent en procession sur le site et y plantèrent une croix. Le lendemain, le sulpicien Gabriel Souart posa la première pierre de fondation. La chapelle fut achevée en 1678 et fut annexée à la paroisse Notre-Dame. Les sulpiciens y assurèrent le culte et les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame l’entretien.

Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours avant 1885

Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours avant 1885

En 1754, un violent incendie consuma entièrement la chapelle. Ce ne fut qu’en 1771 que les sulpiciens et les marguilliers de la paroisse purent la reconstruire. Le nouveau bâtiment, terminé en 1773, connut par la suite de nombreuses transformations d’ordre architectural et artistique au cours des XIXe et XXe siècles. Les interventions qui modifièrent le plus en profondeur l’aspect de la chapelle furent exécutées entre 1886 et 1893, sous la direction des architectes Perrault et Mesnard. À l’extérieur, une nouvelle façade comprenant un clocher à double lanterne et deux clochetons latéraux fut plaquée sur l’ancienne. À l’intérieur, la voûte fut refaite en berceau et l’artiste François-Édouard Meloche fut chargé d’y peindre huit scènes de la vie de la Vierge dans un style en trompe-l’œil. En 1892, le même artiste se fit engager cette fois comme architecte pour concevoir une façade donnant sur le port. Le résultat était spectaculaire pour l’époque : un énorme campanile est érigé au-dessus de l’abside, au sommet duquel trônaient treize statues d’anges et « l’étoile de la mer », une gigantesque statue de la Vierge de huit mètres.

Enfin, des rénovations d’urgence ont été réalisées de 1953 à 1957 pour réparer le campanile et le clocher dont la faiblesse structurale et la dégradation avancée étaient jugées menaçantes. Leur structure fut allégée et abaissée, donnant à la chapelle son aspect architectural actuel.

 

Une chapelle au cœur du plus ancien faubourg de Montréal

 
Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, début XXe siècle

Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, début XXe siècle

L’histoire de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours est liée étroitement au développement de Montréal depuis son premier demi-siècle d’existence. La considérant comme « un asile assuré(NOTE 4) » pour tous leurs besoins, les habitants de Ville-Marie l’ont fréquentée assidûment lors de pèlerinages qui débutèrent dès 1678, une fois la construction terminée. Par ailleurs, à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, la présence de cet édifice à l’extérieur de la ville contribua à la naissance du faubourg Bonsecours en incitant notamment des agriculteurs et des artisans à s’installer dans les environs. Charpentiers, maçons, menuisiers, charrons, cordonniers, aubergistes, marchands, et autres corps de métier, appréciaient suffisamment le secteur pour s’y établir, faisant de Bonsecours une véritable « place d’artisans(NOTE 5) ». Certaines familles implantées dans le faubourg dès ses origines, entre autres les Viger et lesPapineau, auront une influence très importante dans l’histoire de Montréal.

À mesure que la population du faubourg Bonsecours s’accroissait, la chapelle en devint peu à peu le centre spirituel. Elle perdit ainsi progressivement sa vocation d’accueil des pèlerins et devint, un peu par la force des choses, une petite chapelle paroissiale. Dans la première moitié du XIXe siècle, Notre-Dame-de-Bon-Secours continua à accueillir le trop-plein des fidèles de la paroisse, toujours plus nombreux, dans une ville en pleine croissance démographique. Elle desservait alors les francophones du quartier et les communautés d’immigrants catholiques anglophones, majoritairement des Irlandais et des Écossais.

 
 

Toutefois, grâce à l’action de Mgr Ignace Bourget, deuxième évêque de Montréal, la chapelle retrouva sa vocation de sanctuaire à partir de 1848. Avec l’aide des sulpiciens, l’évêque encouragea avec succès les pèlerins à fréquenter de nouveau ce petit sanctuaire dédié à la Vierge Marie. Les nombreux dons d’ex-voto qui remontent à cette époque (surtout des cœurs votifs et des navires miniatures) témoignent de cette revivification des pèlerinages. C’est aussi à partir de ce moment que la chapelle fut de plus en plus fréquentée par les employés du port et par les hommes de mer, d’où son surnom de « chapelle des marins ».

À l’ombre de la chapelle, une petite école fut aménagée sous la sacristie dès 1838 afin de répondre aux besoins de la communauté catholique anglophone du quartier. Deux sœurs de la Congrégation de Notre-Dame furent chargées d’enseigner aux enfants des soldats alors en garnison au faubourg Québec. Quelques années plus tard, après le départ du régiment en 1846, les sœurs ouvrirent deux classes françaises et une classe anglaise pour assurer un service éducationnel aux enfants habitant le quartier. En 1893, les sulpiciens firent démolir le bâtiment pour en reconstruire un autre attenant à la chapelle et qui abritera l’école Bonsecours jusqu’en 1968. C’est dans cet édifice que se trouve aujourd’hui le Musée Marguerite-Bourgeoys.

 

Le Musée Marguerite-Bourgeoys

Voûte de la Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours

Voûte de la Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours

La fondation du Musée Marguerite-Bourgeoys fut moins le fruit d’un projet concerté que le résultat d’un concours de circonstances exceptionnelles. En 1995, la Congrégation de Notre-Dame désirait relocaliser le Centre Marguerite-Bourgeoys(NOTE 6) dans le Vieux-Montréal afin de le rapprocher des lieux où avait vécu leur fondatrice. Les sœurs responsables du déménagement jetèrent leur dévolu sur les anciennes salles de classe de l’école Bonsecours dont le site, par sa proximité avec la chapelle, avait une haute valeur symbolique. Le projet originel consistait à réaménager les anciens locaux scolaires en modestes salles d’interprétation de la vie de leur fondatrice. Or, deux événements majeurs ont changé les plans initiaux.

Il y eut d’abord, en 1994, la découverte de l’œuvre murale peinte sur la voûte de la chapelle par François-Édouard Meloche en 1886, qui était dissimulée depuis le début du XXe siècle sous une toile marouflée. En 1997, les Prêtres de Saint-Sulpice et les Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, en collaboration avec le ministère de la Culture et des Communications du Québec(NOTE 7), firent décoller la toile puis restaurer l’œuvre entière de Meloche, maintenant visible dans sa splendeur d’autrefois.

Aussi, en 1996, au moment où les travaux de réaménagement des locaux de l’ancienne école Bonsecours étaient en cours, des archéologues qui effectuaient des fouilles préventives sous les divers bâtiments firent des découvertes inattendues. Ils identifièrent des portions des anciens murs de la sacristie (construite en 1784) et de l’entrepôt « La Friponne(NOTE  » de 1759. De plus, dans le soubassement de la chapelle, ils découvrirent des traces d’activités amérindiennes datant du premier millénaire après J.-C.(NOTE 9) de même que la marque de l’ancienne palissade de bois érigée en 1709-1710. Finalement, à la stupéfaction des fouilleurs et des sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, les travaux archéologiques mirent au jour les fondations de la première chapelle érigée par Marguerite Bourgeoys, que l’on croyait perdue à jamais.

Site archéologique, chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, 1998.

Site archéologique, chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, 1998.

Ces découvertes remarquables incitèrent les Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame et l’architecte, en accord avec les Prêtres de Saint-Sulpice, à intégrer les trois ensembles – chapelle, école, site archéologique – pour en faire un véritable complexe muséal. L’architecte aménagea les salles d’exposition « dans le respect du passé » des bâtiments, privilégiant « une approche rigoureuse de restauration » qui consistait « à mettre en évidence tous les éléments authentiques sans les noyer dans une fausse reconstitution(NOTE 10) ».

Loin de renier la vocation spirituelle d’origine du Centre Marguerite-Bourgeoys et de la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, le Musée Marguerite-Bourgeoys s’est vu doter d’une double mission : d’abord offrir un lieu de recueillement, de culte et de pèlerinage initié par Marguerite Bourgeoys(NOTE 11), puis conserver, mettre en valeur et diffuser le patrimoine matériel lié, de façon générale, à l’histoire religieuse, culturelle et éducationnelle de Montréal. Bien entendu, le patrimoine relié à Marguerite Bourgeoys, à la Congrégation de Notre-Dame et aux Prêtres de Saint-Sulpice, dont l’histoire respective est très liée à celle de la chapelle, y a préséance.

Le Musée Marguerite-Bourgeoys abrite donc d’importants objets appartenant à la Congrégation de Notre-Dame, à sa fondatrice, et aux Prêtres de Saint-Sulpice, propriétaires de la chapelle. Certains sont de véritables trésors patrimoniaux, notamment le portrait de Marguerite Bourgeoys réalisé en Nouvelle-France, une statuette du XVIe siècle offerte à Marguerite Bourgeoys par le baron de Fancamp en 1672(NOTE 12) et une pietà provenant d’Avignon datée de la fin du XVe siècle.

En ce qui a trait au patrimoine de la chapelle, nombreux sont les artistes qui ont œuvré à sa décoration et à ses rénovations. Certains d’entre eux occupent une place de choix dans l’histoire de l’art canadienne, entre autres Victor Bourgeau, Théophile Hamel, Édouard Meloche, Joseph Saint-Charles, Ozias Leduc, Delphis Beaulieu et Joseph Guardo. Enfin, le site archéologique est l’un des plus importants en Amérique du Nord, en raison de la qualité et de la rareté de certains des artéfacts qu’on y a trouvés.

La mission du complexe muséal

Salles d'exposition du Musée Marguerite-Bourgeoys

Salles d'exposition du Musée Marguerite-Bourgeoys

La chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours et le Musée Marguerite-Bourgeoys rendent maintenant plus accessibles ces importants éléments du patrimoine montréalais. Le site archéologique témoigne d'une présence amérindienne périodique à cet endroit, aux temps préhistoriques, et de l'implantation de la foi chrétienne en Amérique du Nord-Est au XVIIe siècle. La chapelle mariale est, quant à elle, le témoin encore visible des débuts de la ville de Montréal, puis de son développement industriel et fluvial. Elle demeure le plus vieux site montréalais à avoir conservé sa fonction d'origine, soit celle de lieu de pèlerinage. Différents groupes ethniques l'ont fréquentée, selon les époques, à commencer par les Français, ensuite les membres des communautés irlandaises et écossaises catholiques dans la première moitié du XIXe siècle, puis de nouveau les francophones du quartier. En somme, Notre-Dame-de-Bon-Secours a toujours joué un rôle religieux significatif à Montréal. Le Musée Marguerite-Bourgeoys a pour mission de faire connaître ce rôle et d'en rendre intelligibles toutes les facettes.

 

 

Stéphan Martel
Historien, Gestionnaire du Centre de Documentation et archives
Chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours/Musée Marguerite-Bourgeoys 


 
 
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